Le sauvage et inacceptable meurtre des deux jeunes femmes scandinaves tuées dans la nuit du 16 au 17 décembre 2018 au-dessus d'Imlil, dans le massif du Toubkal, plus haute montagne d'Afrique du Nord, met au défi le Bureau central d’investigations judiciaires (BCIJ), considéré comme la meilleure police anti-terroriste du monde. Mais celle-ci vient de réagir de manière exemplaire.
Salué par les services spéciaux les plus expérimentés de la planète, le BCIJ marocain avait jusqu'ici réussi à tuer dans l'oeuf des dizaines et des dizaines de tentatives d'actes terroristes.
Cette fois, la sécurité à 100 % n'existant pas, il a été dans l'impossibilité de stopper l'irréparable, comme l'avaient été, début décembre, les forces de l'ordre françaises à Strasbourg, où un terroriste avait assassiné cinq personnes, ou encore comme l'avait été la police britannique, impuissante à contenir les attentats qui ont endeuillé Londres durant l'année.
En un temps record
Le BCIJ a toutefois rapidement retrouvé son extrême efficacité en identifiant et en arrêtant les présumés coupables, en un temps record. Moins de 24 heures après la découverte des corps des malheureuses, en collaboration avec la Gendarmerie royale et de la Sûreté nationale, il mettait la main, à Marrakech, sur l'individu qui semble être l'organisateur de l'opération menée au-dessus du village d'Imlil.
Dans les 72 heures suivant le crime, cette fois sur la base d’information fournies par la Direction générale de la surveillance du territoire (DGST, lors de la fouille d'un autocar à la sortie de la Ville ocre, il arrêtait les trois individus identifiés comme complices, prenant la peine d'arrêter le véhicule hors de la cité, afin d'éviter des dégâts colatéraux. Les quatre individus transportaient avec eux les armes blanches avec lesquelles ils sont fortement soupçonnés d'avoir commis l'horrible crime du Toubkal : trois couteaux de taille moyenne, un couteau pointu.
Puis, les 20 et 21 décembre, soit quatre jours après l'assassinat, des opérations menées dans cinq villes différentes permettaient de mettre neuf autres suspects hors d'état de nuire. Des armes, des gadgets électroniques, ainsi que "des substances suspectes pouvant être utilisées dans la fabrication d'explosifs" ont été trouvées.
Les "ennemis d'Allah"
Les quatre principaux suspects ont été qualifiés de "clochards" par les habitants d'Imlil Leur niveau d'instruction était bas. Provenant de quartiers défavorisés de Marrakech, ils vivaient de petits boulots.
Une vidéo d'une extrême violence diffusée sur Twitter, supprimée depuis, montrait ces quatre hommes, coiffés de calottes, drapeau de Daech en arrière-plan, promettre d'accomplir une action "douloureuse" contre le Maroc". L'un d'eux y prononçait plusieurs fois les mots "ennemis d'Allah" et parlait d'une "revanche pour nos frères à Hajine", localité de Syrie, d'où les terroristes de Daech venaient tout récemment d'être délogés par l'alliance arabo-kurde des Forces démocratiques syriennes (FDS), après avoir subi les frappes de la coalition internationale, dont fait partie le Maroc. Cette liaison avec Hajine prouve combien Internet les a influencés.
L'enquête a déjà établi que les deux innocentes victimes, Louisa Vesterager Jespersen, étudiante danoise de 24 ans, et Maren Ueland, Norvégienne de 28 ans, n'ont pas été suivies de Marrakech par leurs futurs assassins. En revanche, on peut se demander si elles n'ont pas fait preuve d'imprudence en refusant d'être accompagnées d'un guide et surtout en plantant leur tente sur un site isolé, pour la nuit, à deux heures de marche du village d'Imlil, point de départ en direction du sommet du Toubkal. N'aurait-il pas été plus adéquat de s'arrêter dans un site sûr, comme le Refuge du Toubkal, créé en haute altitude par le Club alpin français (photo ci-dessus) ?
Changement de stratégie
Ayant perdu les territoires de son soi-disant "califat", Daech a changé de stratégie, recommandant des opérations individuelles, de moindre envergure, plutôt que des confrontations massives, dont il n'a plus les moyens. Dans ce contexte, la propagande sur Internet joue un rôle décisif.
L'action préventive du Bureau central d’investigations judiciaires demeure capitale. Mais elle n'est plus suffisante. Ainsi que l'explique le sociologue Mohamed Janjar, il convient d'encourager l’esprit critique des Marocains, que leur système éducatif a jusqu'ici méprisé. Un combat urgent et de longue haleine.