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Photo du rédacteurJean-Luc Vautravers

Mon tarbouche remplacé par un turban berbère ?


Un de mes amis berbères, Abdu Amenukal, m'a fait observer que le tarbouche dont j'étais coiffé sur cette photo est un symbole nationaliste. Il me parle d'Allal El-Fassi, fondateur du parti nationaliste Istiqlal, des Fassis, c'est-à-dire des ressortissants de Fès, et si j'ai bien compris il établit un amalgame avec les fascistes italiens, dont les Chemises noires, il est vrai, arborèrent une sorte de tarbouche noir...

La référence aux nationalistes autoritaires de Mussolini m'a paru exagérée, mais peut-être ai-je mal interprété... Toujours est-il que mon couvre-chef est en cause !

A constater de quelle façon il est souvent porté, j'aurais peut-être dû le disposer davantage sur le devant du crâne, comme l'avait fait par exemple l'écrivain turcophile Pierrre Loti, auteur du roman "Aziyadé" (voir Riad Aziyadé : un petit bijou à Taroudant), mais dont, il est vrai, le tarbouche est plus haut que le mien. Cela s'explique : la coiffe marocaine est moins haute que la coiffe turque.

Le tarbouche, qui s'écrit aussi tarbouch, provient-il de Turquie ou du Maroc ? Les avis divergent. Pour les uns, il a son origine en Grèce, ce qui explique pourquoi il a été porté par les Byzantins au Moyen-Age avant d'être adopté par l'Empire ottoman au 19e siècle, au point de devenir symbolique de la colonisation ottomane d'une bonne partie du Moyen-Orient. La première photo montre par exemple deux musiciens turcs photographiés à Alep, ville qui fait partie de l'actuelle Syrie. Après la Première guerre mondiale, le fondateur de la République turque, Mustafa Kemal Atatürk, interdit le port du tarbouche, qu'il voyait comme un signe de féodalisme. Les Evzones


L'origine première grecque trouve toute sa vraisemblance lorsqu'on observe l'habillement des gardes qui paradent à Athènes, les Evzones (deuxième photo). Cliquez sur cette photo ! Vous y constaterez que la cape est rouge, mais arrondie et possède le même gland noir que le tarbouche, dont les fils sont toutefois beaucoup plus longs. Surprise ! Sur le devant, vous y reconnaîtrez un symbole qui, de nos jours, est la croix suisse, laquelle date tout de même de 1291, année retenue pour la création de la Suisse primitive et de la plus ancienne démocratie du monde (cocoricooooooo !). Comme quoi le hasard peut parfois brûler les pistes...


Du côté de Fès


Aux yeux d'autres historiens, le tarbouche est bien d'origine marocaine. Les Turcs eux-mêmes le désignent sous le terme "tarbouch fassi" c'est-à-dire en français "chapeau de Fès". La nuance rouge vif de la feutrine tiendrait à des baies du cornouiller très répandu dans la région de Fès (dernière photo, de F. Alvarez). Une autre hypothèse prétend que les habitants de Fès narguaient les Ottomans d'Algérie en portant un couvre-chef semblable au leur... La colonisation turque n'a en effet jamais réussi à dépasser l'oued Moulouya, qui se jette dans la Méditerranée près de Saïdia (Nouvelle station de Saïdia : fiasco ou feu d'artifice ?), préservant ainsi le Maroc.

Mes investigations approfondies dans les recoins des coutures du tarbouche m'ont permis de tomber sur un exemplaire d'un autre genre : le bol en émail de la première photo, qui a aussi reçu le nom de tarbouche et dont on ne sera pas surpris d'apprendre qu'il a été fabriqué à Fès, au 19e siècle. Le liseré bleu intense a été apposé en contrepoint d'un motif de chaîne d'un jaune éclatant.

Bref, ce survol du tarbouche à travers les âges ayant été effectué, je me suis converti à l'idée défendue par mon ami amazigh : lorsque je poserai la prochaine fois au portail d'entrée du Jardin aux Etoiles, je remplacerai le tarbouche par le turban traditionnel des Berbères (deuxième photo), le chèche. Il est en effet préférable d'être en accord avec ses principes. J'ai voulu que le Jardin aux Etoiles et en particulier mon portail d'entrée soient ornés de références imazighen, puisque le Souss et sa capitale, Agadir, sont berbères. Mon habillement doit s'inscrire dans cette logique. En tout cas lors de la prise de la photo. Pour le reste, ce sera plus contemporain...

Je constate d'ailleurs qu'il existe plusieurs manières de nouer le turban, ayant retrouvé une photo que j'avais prise dans le désert marocain en 2004 (dernière image), qui montre un Touareg portant un chèche de manière allégée... sauf sur la partie inférieure du visage. Il est vrai que c'est pour se protéger des vents de sable et qu'il le porte bien. Au terme de ce message consacré au couvre-chef, je lui dirai donc : chapeau !

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