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Photo du rédacteurJean-Luc Vautravers

Quand Lucien Roupp, ex-entraîneur de Marcel Cerdan, tenait auberge près de Taroudant

Dernière mise à jour : 14 mars


C'est une histoire peu connue qui mérite d'être contée. Lucien Roupp, qui fut durant dix ans l'entraîneur du mythique boxeur Marcel Cerdan, dit "Le Bombardier marocain", tint durant les années 50 une auberge près de Taroudant. Au terme d'une décennie d'une intensité hors norme et après la disparition dramatique de son protégé, Lucien Roupp (avec les lunettes sur notre photo, derrière le champion) a cherché et trouvé à Taroudant le calme qu'il recherchait.

L'auberge de Lucien Roupp se situait dans une petite ferme plantée d'orangers et de mandariniers, à gauche en venant d'Agadir, sur la route Nationale 10, deux kilomètres avant le pont qui traverse l'oued Souss. Rentrés fourbus de leur journée, les chasseurs d'Inezgane s'y donnaient rendez-vous le dimanche soir. Des concerts et des danses berbères y étaient organisés. On trouvais aussi du raisin muscat "Chez Roupp"; les enfants chapardeurs de Taroudant goûtaient au fruit défendu avec délice...


Alors que les véhicules à essence étaient encore rares à l'époque, la voiture de l'entraîneur de boxe devenu aubergiste était connue dans toute la contrée. C'était une Ford Vedette verte, avec roues blanches (comme celle de notre photo).


A la fin de l'année 1955, Lucien Roupp quitta Taroudant et l'auberge fut fermée. Les terrains agricoles où celle-ci était installée revinrent à la société Paquet Afrique, propriétaire de l'hôtel Marhaba d'Agadir, reconstruit depuis. Cet endroit est actuellement occupé par une station d'emballage d'oranges


Un manager très respecté


Marcel Cerdan est né en Algérie, d'origine espagnole. Sa famille immigre en 1922 à Casablanca. Le petit Marcel a alors six ans. Il est attiré par le football mais son père, employé charcutier, rêve de gloire et veut en faire un boxeur. En 1933, à 17 ans, il devient professionnel. Deux ans plus tard, bouleversé par la mort de sa mère, il voit sa carrière se transformer en chaos, jusqu’à ce qu’il signe un contrat avec Lucien Roupp, manager très respecté. Ce dernier a aménagé une salle de boxe au-dessus de son garage, situé quartier de Cuba, toujours à Casablanca.


Le 21 septembre 1948


Dès lors, sous l'égide de son mentor, Marcel Cerdan vole de succès en succès. En 1946, sa victoire aux points devant René Charron, au Parc des Princes, devant 37'000 spectateurs dont Marlène Dietrich et Jean Gabin, le convainc de s'exporter aux Etats-Unis. Et, apothéose, le 21 septembre 1948, le petit boxeur de Casablanca devient champion du monde des poids moyens en battant l’Américain Tony Zale à Jersey City, redonnant le sourire à la France encore marquée par la Seconde guerre mondiale. A son retour, il descend les principales artères de la capitale debout dans une décapotable qui parvient difficilement à se frayer un chemin dans une marée humaine. Immensément populaire, il aime les bains de foule. Accessible, il fréquente bistrots, restaurants et dancings.

Profitant de la présence du champion du monde au Maroc, la communauté française d'Agadir et de la région donne une réception en l'honneur du "Bombardier marocain". La photo ci-dessus a été prise sur le toit de l'Hôtel Terminus. Les deux cercles jaunes représentent, à gauche, Lucien Roupp et, à droite, Marcel Cerdan.

Ainsi qu'il l'a raconté dans un livre (notre photo), Lucien Roupp décide peu après de mettre un terme à leur formidable épopée de dix années. Cerdan s'appuie désormais sur Jo Longman et son frère Armand comme entraîneur. Officier des sports de la fameuse Division Leclerc en Algérie, Jo Longman est le fondateur du cabaret parisien "Le Club des Cinq" où Cerdan avait rencontré Edith Piaf, en juillet 1946. Un couple mythique était né.


Survient le drame : le 28 octobre 1949, le Constellation qui doit emmener le héros jusqu'à New York pour une revanche contre LaMotta percute une montagne de São Miguel, la plus grande île des Açores. Il n'y a aucun survivant. Marcel Cerdan avait 33 ans. Sa disparition est vécue comme un drame national.


Deux destinées


La "Môme Piaf" ne s'en remettra vraiment jamais, elle qui avait conseillé à son amant de voyager en bateau en direction de New York. Avait-elle eu un pressentiment ou voulait-elle que Marcel s'accorde une belle croisière en mer ? On ne le saura jamais.


Le couple qu'elle formait avec Marcel Cerdan a en tout cas uni deux destinées exceptionnelles. D'un côté le Casablancais adulé, de l'autre l'arrière -petite-fille d'un Berbère né à Mogador (aujourd'hui Essaouira) et la petite-fille d'Emma ou Aïcha Saïd Ben Mohamed qui fit carrière dans le monde du cirque et éleva la petite Edith durant ses premières années. Edith Piaf avoua avoir été marquée toute sa vie par l'affection et les enseignements de cette grand-mère berbère.


Dernier clin d'œil de l'histoire, celui-là dramatique : Cerdan, l'amant adoré, perdit la vie dans l'Atlantique... au large du Maroc. Il fut d'ailleurs inhumé dans ce pays. Ses cendres ont ultérieurement été ramenées à Perpignan, tout près de l’Espagne, pays de ses racines.

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